Cette colère qui nous répare

Isabelle Filliozat définit la colère réparatrice ainsi dans son livre « je t’en veux, je t’aime » :

« La colère réparatrice affirme notre existence, nos besoins, notre identité, notre place. Ce n’est plus une colère agressive qui a besoin  de détruire quoi que ce soit. Ce n’est plus de la révolte, c’est une colère constructive. Une colère qui va restaurer le droit, c’est-à-dire concrètement permettre à l’enfant ou à l’adulte de se donner le droit de sentir ce qu’il sent, de dire, d’exister, d’avoir des besoins,a d’être lui-même… »

 

Il s’agit donc d’une colère constructive qui permet d’évacuer totalement la tension émotionnelle et de guérir des blessures du passé (récent ou lointain).

Cette colère réparatrice peut être ressentie par tous, quel que soit notre âge, et éclore à des moments sans aucun lien avec son déclencheur initial, du moins en apparence (voir les émotions élastiques).

 

Elle nécessite cependant d’être canalisée. Notamment chez les enfants dont le cerveau immature ne parvient pas à réguler correctement les émotions.

En effet, si la colère réparatrice s’exprime avec violence, cela peut créer de l’accoutumance.

« Lorsqu’on frappe dans un coussin pour libérer sa colère, on instaure une habitude de déchainer cette forme de violence. Donc, cette méthode a plutôt tendance à nous habituer à exprimer la colère d’une manière qui pourrait causer du tort à notre environnement et à nous-mêmes. » dixit Marshall B. Rosenberg

 

Colère (et action) réparatrice

La façon bienveillante de tirer bénéfice de cette colère est par conséquent d’en accepter la présence, d’avoir recours à une forme de verbalisation et, phase essentielle, d’en déterminer la cause afin de déterminer le besoin insatisfait qui en est à l’orgine.

  • En accepter la présence signifie : « Je sens en moi que la colère monte. » (température corporelle qui augmente, énervement…). Pour accompagner cette acceptation, je peux me concentrer sur mes sensations et prendre une longue inspiration en ouvrant les bras.
  • Je verbalise : « je m’exprime à haute voix en disant simplement que je suis en colère » (poser des mots sur des émotions permet de diminuer l’affect et de garder le contrôle)
  • Je recherche la cause : quel jugement moral a provoqué cette colère ? Que signifie ce jugement relativement à mes besoins ? On comprend ici que la cause de la colère est dans l’interprétation de ce que je vis et non dans un fait qui déclencherait la colère chez tout le monde comme s’il y avait une sorte de colère universelle.
  • Enfin, j’envisage et je m’engage dans une phase de demande/discussion pour assouvir mes besoins et écoutant ceux des autres. J’appellerai ceci l’action réparatrice.

La pleine conscience s’avère être une aide précieuse également.

Ecrire pour se libérer de la colère

Il existe une façon efficace de calmer une colère tout en profitant de l’énergie qu’elle représente : l’écriture.

Ecrire permet à la fois de calmer la colère et de passer progressivement dans une phase constructive. (source : 50 exercices de lâcher-prise)

1) Inscrivez la date du jour, le lieu où vous êtes, puis écrivez en haut de la feuille « Chèr(e)… » suivi du nom de la personne ou de l’objet qui déclenche en vous de la colère.

2) Maintenant, libérez votre plume (et vos émotions) et écrivez tout ce que vous avez sur le coeur sans vous soucier du vocabulaire ou de l’orthographe.

3) Une fois que vous avez terminé, signez sans vous relire.

4) Détruisez cette lettre selon la manière qui vous convient le mieux.

5) Recommencez cette démarche le lendemain et les jours suivants jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune colère en vous.

 

La phase constructive que j’évoquais est le fait d’engager ensuite une action réparatrice sous forme de demande.

Si  la personne n’est plus là ou ne peut/veut répondre à vos attentes, il peut s’avérer judicieux de passer par une phase de pardon. Car, en pardonnant, nous cessons de porter un fardeau.

 

Le pardon

Voici une méthode en 9 étapes pour pardonner. On la doit au Dr Fred Luskin, directeur des Stanford Forgiveness Projects (via Peut-on tout pardonner)

  1. Sachez exactement ce que vous ressentez à propos de ce qui s’est passé et décrivez précisément ce que vous jugez inacceptable. Puis, parlez de votre expérience à des personnes de confiance.
  2. Prenez l’engagement de faire ce qui vous semble nécessaire pour vous sentir mieux. Le pardon est pour vous et personne d’autre.
  3. Le pardon n’est pas synonyme de réconciliation avec la personne qui vous a blessé, ni de caution pour ses actes. Le but est de trouver la paix. Le pardon peut être défini comme la paix et la compréhension qui découlent d’une diminution des reproches que vous adressez à celui ou celle qui vous a blessé, de prendre cette expérience de vie moins de manière moins personnelle, d’une transformation de votre récit de doléances.
  4. Adoptez une juste perspective quant à ce qui vous est arrivé. Reconnaissez que votre souffrance première découle de sentiments et pensées douloureux qui sont les vôtres maintenant, ainsi que de votre contrariété, et non de ce qui vous a blessé il y a deux minutes -ou dix ans-.Le pardon aide à guérir les blessures.
  5. Au moment où vous éprouvez de la contrariété, utilisez une technique de gestion du stresspour calmer la réaction naturelle de combat ou de fuite de votre corps.
  6. Renoncez à recevoir la moindre chose des autres ou de votre vie, qu’ils ont choisi de ne pas vous donner. Reconnaissez les « lois inapplicables » que vous avez établies par rapport à votre santé et la façon dont vous-même ou autrui devriez vous comporter. Souvenez-vous que vous avez droit à la santé, l’amour, la paix, la prospérité en travaillant pour y parvenir.
  7. Concentrez votre énergie pour trouver d’autres moyens d’atteindre vos buts positifs en évitant les voies qui vous ont déjà causé du tort. Au lieu de ressasser sans cesse cette mauvaise expérience, agissez différemment pour obtenir ce que vous désirez.
  8. Rappelez-vous que votre meilleure revanche consiste à bien vivre votre vie au lieu de rester bloqué sur vos sentiments douloureux, et ainsi de donner tout pouvoir à la personne qui vous a fait du mal, apprenez à rechercher l’amour, la beauté et la gentillesse autour de vous. Le pardon, c’est retrouver son pouvoir personnel.
  9. Réécrivez votre récit de doléances, afin de vous souvenir de votre décision héroïque de pardonner.

 

Pour les enfants et les parents

Il est essentiel en prérequis de reconnaitre la colère d’un enfant verbalement et dans notre attitude. L’enfant possède un cerveau trop immature pour réguler ses émotions seul.

Vous pouvez expliquer à votre enfant les effets de la colère sur son cerveau avec le modèle de Daniel Siegel grâce au support éducatif fourni dans le livre « Le cerveau de votre enfant ».

Evoquez avec lui le cerveau d’en haut et le cerveau d’en bas et invitez-le à mimer le fonctionnement avec sa main. Enfin, dites-lui que lorsqu’il se sentira sur le point d’exploser, il lui suffira de simuler lentement le recouvrement du cerveau d’en haut sur le cerveau d’en bas pour garder le contrôle (en dépliant et repliant ses doigts sur son pouce). Cette focalisation sur le mouvement volontaire de sa main associée à la visualisation mentale font appel aux fonctions supérieures du cerveau, empêchant le cortex préfrontal de « décrocher ».

Je vous conseille d’ailleurs de lui apprendre à réaliser cet exercice de modélisation du cerveau avec sa main non-dominante (voici pourquoi).

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Voici l’excellente vidéo mise en ligne par les éditions Les Arènes à ce sujet :

 

J’espère que cet article vous a aidé. N’hésitez pas le partager.

 

A lire :

« Le cerveau de votre enfant » de Daniel Siegel et Tina Paine-Bryson

Les ressources insoupçonnées de la colère de Marshall B. Ronsenberg.

« Peut-on tout pardonner » d’Olivier Leclerc

« Je t’en veux, je t’aime » d’Isabelle Filliozat

« Méditer jour après jour » de Christophe André

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