Comment dites-vous « bonjour » ?
Selon Eric Berne, père de l’analyse transactionnelle,
« Dire bonjour correctement, c’est voir l’autre personne, prendre conscience d’elle, se manifester à elle et se tenir prêt à ce qu’elle se manifeste à soi. Pour dire bonjour, on se débarrasse de tous les détritus accumulés depuis qu’on est venu au monde. Ensuite, on reconnait que ce bonjour particulier ne se reproduira jamais. C’est là un apprentissage qui peut demander des années.«
Oui, un simple « bonjour » est lourd de sens : celui que nous souhaitons donner à notre vie.
Comme l’écrit Isabelle Filliozat, dire « bonjour » c’est voir l’autre, le reconnaitre, l’accueillir, lui manifester de l’estime, lui donner une place dans notre paysage.
Être présent… Cette présence au moment du bonjour est perçue par celui à qui nous l’adressons. Tout comme notre absence (mentale).
J’ai travaillé dans plusieurs entreprises où les individus ne se voyaient plus. Ils disaient « bonjour » sans être là, comme des automates suivant une routine intégrée dans une journée de travail tout aussi routinière. Et ces individus déploraient pourtant de n’être que des « matricules », de ne pas être considérés. Disons que leurs actes venaient finalement renforcer leurs croyances tout en les éloignant de leurs besoins. Et c’est là tout le problème. Si nous laissons notre inconscient aux commandes, il ne fera que reproduire des situations existantes. Même cause, même conséquence.
Souvenez-vous de ce schéma.
Nos pensées sont influencées par nos croyances qui provoquent des comportements constructifs ou pas. Les croyances proviennent essentiellement de l’interprétation de nos expériences, de notre passé.
Ainsi, si nos parents exigeaient obéissance et soumission, nous avons nourri la croyance que nous étions insignifiants. Notre bonjour reflètera cette croyance.
Si nous avons été persécutés, nous aurons tendance à croire que les autres sont un danger et qu’il est nécessaire de se défendre ou de fuir. Notre bonjour sera adapté à nos pensées et nous guetterons tous les signes chez l’autre qui prouvent ce que nous croyons.
C’est ainsi, les croyances s’auto-alimentent…et nous enferment dans des cercles vicieux ou vertueux.
Qu’a-t-on à gagner à déconnecter nos automatismes ?
Une nouvelle vie. Car de notre comportement découle nos expériences. Ainsi, si nous cessons d’agir en automatique en suivant des croyances erronées ou limitantes, nous créerons de nouvelles opportunités, des scénarios inédits, nous ouvrirons un champ des possibles beaucoup plus vaste.
Les autres vont percevoir un message différent en quelques fractions de seconde. Ce sera « oui » plutôt que « non ». Ce sera « je suis heureux de te retrouver toi aujourd’hui » plutôt que « je ne sais même plus qui j’ai croisé ce matin. Je t’oublierai toi-aussi dans quelques secondes. ». Ce sera « Je suis ici et maintenant avec toi, j’ai conscience de la chance que nous avons de pouvoir communiquer et nous montrer que nous existons mutuellement. » plutôt que « Je préfère m’évader mentalement. Je n’aime pas ta présence. Je ne veux pas de contraintes supplémentaires. Je ne veux pas savoir si tu te sens bien ou mal. Dépêchons nous de terminer ce jeu de rôle ennuyeux. »
Comment procéder pour déconnecter les automatismes ?
Il existe plusieurs façons de déconnecter les automatismes. Elles sont complémentaires selon moi.
1) Lister nos croyances, les remettre en question et arrêter de juger
« Lui, c’est un con ! » En pensant ainsi, nous sommes quasiment sûrs de nous comporter avec animosité et hypocrisie. Pire, nous occulterons tous les aspects positifs à son sujet où trouverons des explications qui conforteront nos jugements.
« Il travaille dans une association caritative où il aide des gens qui l’apprécient ? C’est pour se vanter et passer pour un gentil ! ».
Je vous invite à lire cet article sur les croyances limitantes.
Pour arrêter de juger, la technique est la suivante : évitez d’employer l’expression « tu es… ». Parlez plutôt à la première personne « je suis… ».
2) La pleine conscience
Il y a un bouton fabuleux qui vous permet de déconnecter le mode automatique : la pleine conscience.
Le pleine conscience est la capacité à focaliser son attention de telle manière que nous intégrons le moment présent et devenons observateurs de nos pensées, sensations, émotions, images,…. Elle permet de calmer notre mental et nous apprend à ne plus juger. Ainsi, la pleine conscience est le moyen idéal pour redécouvrir notre existence avec un oeil neuf, dépollué de préjugés et de croyances. La pleine conscience nourrit le changement intérieur et par cascade, extérieur. C’est le principe de l’action (la nôtre) et la réaction (celle des autres). Si nos intentions sont neutres ou positives, notre environnement répondra de manière totalement différente que si nous sommes guidées par des pensées négatives.
En pratique : le pleine conscience est un entrainement. Je vous invite à la tester ici avec une méditation de Christophe André.
Quand vous dites bonjour, prenez conscience du contact de vos pieds sur le sol, de votre respiration et regardez vraiment la personne en face de vous. Détendez les muscles de votre mâchoire et affichez un sourire. Et si vous devez avoir une seule pensée avant de dire bonjour, que ce soit : « Tout va bien. Je suis vivant. Je choisis de souhaiter le bonjour. Je l’offre en cadeau. »
Lors de la discussion, concentrez-vous sur ce que vous ressentez (sensation, émotions,…), entendez (la tonalité, le volume de la voix, la musicalité des paroles,…), voyez (la couleur des yeux, la texture des vêtements, les sourires,…). Cette focalisation sur le moment présent favorisera la construction de souvenirs et l’ancrage positif.
3) La communication non-violente
La communication non-violente de Marshall B. Rosenberg est une aide précieuse qui nous permet de comprendre que nos jugements ne sont que des expressions de nos besoins insatisfaits.
Connaissez-vous ces besoins ? Non ? Les voici.
Et voici la meilleurs manière de les satisfaire : faire une demande précise.
Voici un article qui vous donne les 4 clés de la communication non-verbale.
4) Sourire
Le sourire dit « tout va bien. Mes intentions sont positives. Je viens en paix » à la fois à celui qui le reçoit et à celui qui l’envoie. Alors, souriez sincèrement, sans aucune arrière-pensée. D’ailleurs, prenez l’habitude de sourire en pratiquant un exercice simple de pleine conscience tout au long de la journée : inspirez pas le nez en pensant « je calme mon corps » puis expirez par la bouche en souriant.
5) Objectifs, sciences et intention
Quel intérêt ai-je à soigner mon bonjour ? C’est une question légitime. Je pourrais vous répondre qu’il n’y a pas besoin d’intérêt puisque nos compétences sociales sont quasiment naturelles. Elles nous ont permis de survivre et de grandir.
Ainsi, par exemple, grâce aux neurones miroirs, nous apprenons pas imitation. Je peux rajouter que les émotions qui se lisent sur nos traits, nos grimaces, nos postures sont des messages que nous envoyons aux autres. Je pleure : j’ai besoin d’aide. Je suis en colère : je suis en danger et je me défends. Je ris : je ressens de la joie, tout va bien, etc.
D’autres données :
- Bonheur : des chercheurs ont démontré que notre niveau de bonheur était proportionnel à la qualité de nos relations sociales.
- Du point de vue de la santé, être entouré d’amis est un facteur qui pèse lourd dans le processus de guérison et le renforcement du système immunitaire (plus que d’avoir un conjoint ou de la famille).
- Et que dire de la naissance des idées et de notre créativité, boostées par nos rencontres et nos discussions.
- Le sport à plusieurs (comme la marche) a plus de bienfaits que le sport pratiqué seul.
Bref, les rencontres sont bénéfiques pour notre santé physique et mentale. Nous sommes des créatures sociales.
Vous pouvez vous servir de ces informations pour garder des objectifs en tête. Ces objectifs remplaceront l’effet des automatismes que vous utilisiez jusqu’alors car votre cerveau vous aidera à les atteindre.
Exemple :
– je peux apprendre des expériences des autres.
– je peux partager les leçons de mes erreurs.
– je pourrais peut-être apporter un peu de chaleur à quelqu’un.
– verbaliser mes émotions me fait du bien.
– discuter avec sincérité me rend heureux.
– je peux faire une demande pour satisfaire un besoin et me libérer l’esprit.
– nous éprouvons tous des émotions.
– nous avons des goûts en commun. Nous pourrions peut-être en discuter plus longuement ?
Bref, le bonjour ouvre la porte à des discussions où des valeurs comme l’altruisme, la compassion, la curiosité, l’optimisme, … peuvent s’exprimer.
La métaphore de la porte est une bonne transition pour la suite. 🙂
Le bonjour est une clé
Nous avons évoqué dans cet article le bonjour en dehors des aspects de politesse et de contrainte.
Le bonjour est une clé qui donne accès à des endroits inexplorés. C’est la première lettre d’une phrase qui relie deux humains autour d’une nouvelle histoire. Et cette histoire se renouvelle chaque jour et chaque bonjour est donc unique. 🙂
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Bonjour,
Je vous remercie pour cet article dont le thème du bonjour peut paraitre assez anodin à première vue et qui à pourtant un fort impacte dans ma vie…
Depuis toute petite, je n’ose pas aller vers les gens pour leurs dire « Bonjour », ça me terrorise! et je ne vous parle pas de tous les désagréments que cela peut engendrer dans la vie quotidienne: gêne, malaise, isolement, replis sur soi, parfois je me demande si ce n’est pas une genre de phobie sociale…
Toujours est-il que j’ai identifié une des probables causes de ce blocage: J’ai le souvenir quand j’avais 2 ou 3 ans d’être restée, figée nette, (comme pétrifiée) devant un de mes oncles au moment de lui dire bonjour, j’étais bloquée, terrorisée par cet oncle (qui ne m’a rien fait) qui me regardait d’un air narquois. Devant mes parents qui me forçaient à lui dire bonjour, je restais figée, incapable de faire quoique ce soit… En y repensant, je ressens de la honte et de la culpabilité… et cet épisode c’est répété à chaque fois que je le voyais de nouveau pendant plusieurs années, je voyais l’impatience et l’énervement grandir à chaque fois un peu plus…
Je pense que tout cela laisse des traces dans l’inconscient d’une petite fille, je suis revenue sur ce souvenir grâce à une thérapeute en hypnose qui me suit, nous avons revécue la scène pour en libérer la charge émotionnelle mais je ne constate pas de grand changement…
C’est une grande souffrance pour moi d’éviter les gens à qui je n’ose pas aller dire bonjour, j’ai l’impression de passer pour une personne fière et méprisante alors qu’au contraire, ces personnes là je les estime beaucoup, je ne me sens juste pas à la hauteur de les aborder…
Je vois bien les désagréments que cela peut engendrer d’être mal à l’aise avec ce bonjour et je comprends dans cet article l’importance que ce petit mot à dans la vie quotidienne, mais concrètement, je ne sais comment agir quand mes enfants ont des difficultés à dire bonjour aux autres. Si vous avez des conseils à m’offrir, je suis preneuse!
Merci
Elodie
Bonjour et merci pour votre message. Voici ma réponse ainsi que quelques questions :
Vous a-t-on habitué pendant votre éducation à être « étiquetée » ? Par exemple : « tu es gentille/timide/intelligente/… ». Si c’est le cas, vous avez une image de vous-même qui est figée par ces étiquettes. La première étape pour détruire ces étiquettes est d’identifier ces jugements qui ont été portés sur vous. Ecrivez-les sur une feuille et voyez si ils alimentent des croyances limitantes et bloquantes. Une fois écrits, trouvez des exemples dans votre vécu qui contredisent ses jugements. La suite de la démarche va consister à vous forger une nouvelle image de vous-même qui est basée sur le principe suivant : on est ce que l’on fait. On peut donc changer !
– faites cet exercice sur l’estime de soi et choisissez un modèle si vous n’en avez pas (les enfants peuvent le faire aussi).
– déterminez vos forces en passant ce test gratuit puis demandez-vous de quelle manière vous pourriez réorganiser votre vie pour les utiliser un maximum.
Seconde piste : étiez-vous autorisé à exprimer vos émotions ? Vos parents vous demandaient-ils ce que vous ressentiez ? Vos émotions étaient-elles avouables selon votre ressenti ou ont-elles été niées ou ignorées ?
Je vous invite à acquérir un vocabulaire des émotions et à les exprimer. Voici des outils pour vous aider.
Troisième piste : apprenez la communication non violente. C’est un système de communication qui améliore à la fois notre vie sociale et notre équilibre personnel. Elle consiste à observer sans juger, identifier nos émotions, déterminer les besoins insatisfaits qui les ont déclenchées, s’exprimer et demander pour satisfaire ces besoins. Vous trouverez ici une explication de la communication non violente et dans cet article les besoins fondamentaux.
Quatrième piste : faire comme si. Ne pensez plus à ce que vous croyez être mais comportez-vous comme vous aimeriez être. Lorsque nous agissons d’une manière différente, nos pensées se modifient. Ainsi, faites comme si vous n’aviez pas de problème pour dire « bonjour ». Souriez, adoptez une démarche légère et comportez-vous comme si tout allait parfaitement bien (voir cet article pour plus de détails).
Cinquième piste : modifiez l’image qui déclenche votre blocage. Le cerveau fonctionne avec des petits films qui déclenchent des réactions et des émotions. Identifiez l’image ou le film qui est à l’origine de votre blocage et modifiez le pour qu’il ne vous bloque plus. Voici un article pour vous aider.
Solutions complémentaires :
Afin d’orienter vos pensées vers des issues positives, je vous invite à tenir un journal de gratitude où vous pourriez, par exemple, écrire vos succès dans ce cheminement personnel.
Enfin, profitez de votre action pour former vos enfants à chacune de ces techniques. Ils vous remercieront. 🙂
J’espère que ces conseils vous seront profitables. Et n’oubliez pas que vous n’êtes pas obligée de dire bonjour. Un simple sourire et un signe de main conviennent parfaitement.
A bientôt.
Bonjour et merci infiniment pour cette réponse très complète!
Je suis impressionnée par votre analyse, effectivement, ma mère passe son temps à coller des étiquettes sur tout le monde et sur tout en général (c’est bien, c’est pas pas bien!) et moi j’essaie de me défaire de « la timide », « la maladroite », « la colérique »,… et je suis certaine qu’elle en souffre autant que moi! Je vais donc faire les exercices, car c’est un enfer ces étiquettes!!
Ensuite, pour la question des émotions, c’est bien simple: avant de m’intéresser à la parentalité bienveillante je n’avais aucune idée de ce que les émotions pouvaient avoir comme rôle dans mon existence… j’essaie d’y être attentive, mais c’est un apprentissage qui me demande de la persévérance… surtout quand personne autour de soi n’a l’air sensibilisé à l’importance d’écouter ses émotions…
Malgré tout l’amour que je porte à mes parents, je dois dire que leur fâcheuse manie de critiquer les gens dès qu’ils sont partis a certainement contribuer déstabiliser ma socialisation en me méfiant de la sincérité et de l’honnêté des gens… et j’ai l’intention de me former à la cnv car je vois combien mes difficultés relationnelles auraient à y gagner grâce à ça..
En ce qui concerne le « faire comme si », pas facile! Un jour ça va, mais le lendemain je perds tous mes moyens et je fuis ou j’évite.. et ça c’est très dure pour moi..
Pour le journal de gratitude, j’en ai effectivement constaté les bienfaits lors de tentatives de 21jrs, à chaque fois j’ai vue mon optimisme s’améliorer mais j’ai un gros travail de persévérance à faire sur ce point! La fatigue et l’épuisement de mes journées de maman ont le dessus sur ma motivation pour ça le soir ..
Je fais de mon mieux chaque jour pour transmettre les valeurs qui m’animent et éviter tout les comportements qui m’ont été délétères à mes enfants mais tout cela est facile à dire, dans la pratique c’est autre chose…
Merci encore, ça me fait beaucoup de bien de me décharger de tout ça, je reprends espoir quand je vois toutes les solutions qui s’offrent à moi et qui confirme que le chemin que j’ai commencé à empreinter est peut- être le bon…
Bonjour, j’ai le sentiment que vous êtes sur la bonne voie. La prise de conscience et la déconnexion des automatismes limitants sont des premières étapes prometteuses pour la suite.
Comptez sur moi pour vous aider.
A bientôt. 🙂
Je voudrais juste rajouter un détail, quand on essai de changer, que ça soit n’importe quoi dans les habitudes, je pense qu’il ai mieux de changer les choses progressivement, et pas rajouter trop de nouveauté dans les planning journalier, car cela fatigue beaucoup plus vite et une tendance à baisser un peu les bras (par fatigue cumulée).
Ce n’est que mon avis, je suis moi même en plein changement d’habitude, faire fasse à ces peur, se dire des phrases (j’utilise les phrases à dire au enfant), je me l’est répète parfois.
Quand je vais vers des inconnus pour une démarche, avant je me répète (j’aime les autres et les autres m’aime ou il y a aucune raison d’avoir peur car il y a aucun danger) accompagné d’une respiration profonde (ujjayi, respiration de yoga).
Les phrases à se répéter peuvent se créer soit meme, c’est meme mieux de mon point de vu, car on se les appropries.
Bonjour, oui la méthode Kaizen (un pas après l’autre) est essentielle et les habitudes mettent du temps à se remplacer (21 jours environ). La respiration est essentielle pour se sentir bien et favoriser l’instant présent.